Une petite histoire de l’Ă©volution de la ferme pour vous prĂ©senter ce que nous sommes aujourd’hui
Formation et transformation
2006 est une année qui nous donne envie de changer : nous avons beaucoup de problèmes avec les animaux, nous ne trouvons pas de solutions aux boiteries, aux mammites et nous avons d’importants frais vétérinaires et alimentaires. En parallèle, nous n’avons pas le moral et voyons tous les côtés négatifs de notre métier.
Nous sommes invités chez un voisin qui visionne un film sur le Brésil : il est sujet de culture de soja et déforestation. Nous décidons de ne plus acheter de tourteau de soja brésilien et nous tournons vers le tourteau de colza français.
La Chambre d’Agriculture propose une formation intitulĂ©e « donner un second souffle Ă sa vie professionnelle », nous nous inscrivons en couple pour 3 x 2 journĂ©es. Après avoir abordĂ© nos difficultĂ©s actuelles, nous dĂ©veloppons notre cĂ´tĂ© crĂ©atif et mettons en valeur nos savoir-faire, savoir-ĂŞtre Ă travers des rĂ©alisations ou des expĂ©riences. Nous inscrivons sur un grand papier nos projets, nos freins, nos peurs qui nous empĂŞchent d’avancer et Ă la fin de la formation, nous savons vers quoi nous voulons aller et comment s’y prendre.
Redonner du sens à son métier
2007 : sous l’impulsion de l’association Actrices Nivernaises, nous participons à une formation de 3 jours intitulée « initiation à l’homéopathie vétérinaire », nous nous retrouvons avec 15 éleveurs qui habitent dans un rayon de 15 km. Une conseillère de la Chambre d’Agriculture accompagne le groupe, ainsi qu’un vétérinaire homéopathe.
La 1ère journée est destinée à faire un tour de table en présentant son exploitation et comment nous alimentons nos animaux. Nous découvrons que notre manière d’alimenter est néfaste et qu’il faut en changer si l’on veut améliorer la santé du troupeau. En effet, l’alimentation est responsable de 52 % des problèmes. Tout est à revoir car tout ce qui a été appris à l’école n’est plus valable actuellement. C’est la révolution dans notre cerveau même si nous sommes persuadés qu’effectivement il faut amorcer de grands changements.
En Octobre 2007, c’est dĂ©cidĂ©Â : nous commençons Ă mettre en place 2 repas par jour avec du foin le plus fibreux possible en dĂ©but de repas, un peu d’ensilage de maĂŻs et un autre foin. Les vaches n’apprĂ©cient pas ce nouveau rĂ©gime mais nous tenons bon. En parallèle, nous rĂ©-observons nos animaux et sommes attentifs Ă tout signe extĂ©rieur (si la bĂŞte se lèche le poil Ă un certain endroit, si les bourrelets de ses pattes sont rouges, si elle a des croĂ»tes aux yeux, …).
Nous redécouvrons ce pourquoi nous avons choisi ce métier : l’amour et la proximité de nos animaux, leur observation, leur santé, leur bien-être et le nôtre.
Nous nous organisons les années suivantes afin de leur apporter la meilleure alimentation possible : nous semons des variétés de prairies multi-espèces et construisons un bâtiment afin de récolter du foin séché en grange. L’ensilage de maïs est arrêté ainsi que les tourteaux.
Quant aux formations à l’homéopathie vétérinaire, tous les ans, 3 jours de formation ont lieu afin de se perfectionner. En parallèle, le groupe continue à se retrouver une fois par mois chez l’un ou l’autre afin de travailler des cas d’animaux malades ensemble.
Dans la Nièvre, ce sont 70 agriculteurs qui ont suivi la formation à l’homéopathie vétérinaire.
Recherche d’autonomie
La construction d’un nouveau bâtiment nous permet de rĂ©cupĂ©rer l’énergie solaire. Le soleil chauffe la toiture Ă©quipĂ©e d’un sous-plafond cĂ´tĂ© sud et l’air chaud est vĂ©hiculĂ© dans une pièce oĂą est installĂ© un gros ventilateur. La mise en route du ventilateur envoie l’air chaud sous des caillebotis en bois disposĂ©s dans les granges de foin. Dès le mois d’avril si le temps le permet, nous pouvons commencer Ă rĂ©colter le foin avec une autochargeuse et le sĂ©cher, ceci jusqu’au mois de septembre.
Nous semons au printemps ou à l’automne des céréales que nous récoltons, qui sont aplaties et données aux animaux à la place des tourteaux. Nous recherchons l’autonomie afin de ne plus être dépendant de la qualité et du prix de marchandises venant de l’extérieur. Nous refusons l’utilisation de produits à base d’OGM.
Dans le but de réduire nos charges d’électricité et fuel, nous avons installé une chaudière à bois déchiqueté. Nous coupons du bois de bords de rivière dans nos prés et La Coopérative d’Utilisation de Matériel en Commun fournit une machine qui réduit ce bois en copeaux. Nous le stockons dans un hangar ouvert où il va sécher pendant 3 mois. Cette récolte permet de chauffer la maison, la fromagerie, les pièces d’affinage. De plus, une visite des parcelles avec un technicien de l’Office National des Forêts a permis de finaliser un plan de gestion des essences de bois afin de pérenniser l’approvisionnement et utiliser une énergie durable.
Enfin, un forage a été effectué et nous permet ainsi d’être autonome quant à l’alimentation en eau de nos animaux, réduisant nos frais.
Respect de notre environnement
Au départ, nous avions de plus en plus de mal à utiliser les produits pour désherber le maïs, les céréales, que nous jugions trop polluants. Nous avons d’abord commencé à utiliser du matériel pour lutter contre les mauvaises herbes mais en mélangeant des variétés de céréales et légumineuses, les unes protègent les autres. Il n’y a plus besoin d’insecticide, ni herbicide.
Nous utilisons le fumier des animaux et faisons du compost que l’on épand sur les terres et n’achetons plus d’engrais.
En parallèle, l’homéopathie vétérinaire nous a démontré que si nous observons nos animaux, nous intervenons plus rapidement, les soucis ont moins de conséquence graves et l’on peut soigner nous-même dans la plupart des cas. Nous avons arrêté la vaccination et n’utilisons les antibiotiques que dans les cas extrêmes.
Rien ne pouvait nous empêcher d’aller vers l’agriculture biologique. Nous avons obtenu la certification des terres, des animaux et enfin des produits transformés en mai 2012.
Créer du lien social
Nos changements et différentes prises de conscience nous ont orienté vers différents groupes ou réseaux que nous n’avions pas l’habitude de côtoyer.
Actrices Nivernaises est une association d’agricultrices et femmes du rural née en 2012 à la suite de la crise de la vache folle. Un des premiers objectifs est de sortir de l’isolement, créer des liens les unes avec les autres, se former, s’informer, aller à la rencontre d’autres agricultrices. Cette association a été une bouffée d’oxygène, une joyeuse parenthèse, des amitiés sincères et durables sont nées, le partage d’émotions fortes lors de certaines formations nous lient. Le groupe d’éleveurs formé à l’homéopathie est intimement lié à Actrices. Nos conjoints en font partie et eux-mêmes vivent ce que nous avons découvert en groupe : la solidarité, l’amitié, le non-jugement, l’entraide, l’écoute … et le rire, le plaisir des repas partagés, la convivialité.
La part du colibri est une association de producteurs et de consommateurs née de la volonté de se rapprocher, de se connaître, comprendre comment vivent et produisent les agriculteurs, quels produits veulent les consommateurs, réduire la distance et les intermédiaires pour aller faire ses courses, jouer la carte du local. Depuis 4 ans, un marché de producteurs a lieu sur la place de l’église de Rouy le 3e dimanche de chaque mois. Des bénévoles de l’association animent un stand d’informations, de dégustations avec recettes, de cuisine sur place que l’on partage sur le marché. Dernièrement, une animation a eu lieu dans le cadre de la semaine de réductions des déchets. L’ambassadrice du tri de la communauté de communes est venue avec un réfrigérateur pour expliquer à quel endroit disposer ses aliments. Du pain perdu était offert aux clients du marché.
Nous adhérons à l’association des colibris crée par Pierre Rabhi.
SAP : Solidarité avec les paysans est l’équivalent d’une Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne). Les personnes à l’origine du projet sont venues nous voir quand ils ont appris que nous travaillions en agriculture biologique. Des contrats entre consomm’acteurs et paysans sont signés pour 6 mois que ce soit en légumes, pain, fromages de vache, volailles. Les paniers sont livrés dans une ferme proche de Nevers où les clients viennent les chercher le vendredi soir de 17 h à 19 h. Il y a aussi la possibilité d’acheter librement des produits dans la boutique de la ferme. Les producteurs sont présents le plus possible les vendredis soirs afin de rencontrer les clients et créer des liens, discuter de la façon de produire. Des apéro-paysans sont organisés à la ferme plusieurs fois dans l’année. A l’occasion des fêtes, les producteurs proposent des produits nouveaux et un peu plus festifs ou originaux qu’à l’accoutumée.